UNE AVENTURE

Pour les 2100 autres coureurs anonymes, dont Pascal et moi-même, cette course était une aventure, un pari un peu fou.

Fort de mes 3 expériences précédentes, j'affichais l'objectif de descendre en dessous de la barre des 30h; Pascal dont c'était la première participation choisissait plus prudemment de terminer l'épreuve « bon état». Cette différence d'ambition fit que, dès le départ, nous fûmes séparés par un peloton compact et la nuit réunionnaise.

L'ASCENSION DU PITON

Cette année, l'ascension du piton de la fournaise par un sentier étroit, boueux et encombré de troncs et de racines, se fit sous un ciel couvert. Cela nous épargna la morsure du soleil mais nous priva également du lever de soleil sur l'océan indien. Je payais ce départ un peu rapide vers le 40^ème km. Mon compagnon de route m'abandonna dans le coteau Kerveguen et je dus poursuivre, seul, ma route. Après 50' d'arrêt à Cilacs, au 60^ème km, je me lançais à l'assaut du col du Taibit que je franchis pour la première fois de jour. Le soleil venait de se coucher lorsque j'arrivais à Marla, petit ilet, perdu au fond du cirque de Mafate. Il était 18h30. Le col des boeufs était enveloppé par un brouillard glacial. Ma lampe était à peine suffisante pour m'indiquer le chemin. Un feu de camp entretenu par des militaires qui tenaient un poste de ravitaillement me remit dans le droit chemin. La descente du col fut interminable et très éprouvante. Je luttais contre le froid, le sommeil et une envie de vomir persistante. Dans cette portion de la course, je fus dépassé par près de 70 coureurs.

TEL UN ZOMBIE

Après une heure de repos à Grand Ilet, au 90^ème km, je m'enfonçais, tel un zombie à l'assaut de la difficulté de la course. Avec ses 1000 m de dénivelé et ses 35 % de pente moyenne, l'ascension de la Roche Ecrite s'apparente à un un chemin de croix. Ce fut le cas pour moi. L'ascension dura deux heures. C'est, en ce qui me concerne un record de lenteur. Heureusement, au sommet, le spectacle est magnifique. On pouvait apercevoir à l'horizon la lueur rougeoyante de l'éruption se refléter sur les nuages. Le vent glacial m'arracha à ma contemplation. C'est emmitouflé dans une couverture, un thé chaud entre les mains, que je retrouvais le courage d'entamer les 30 derniers km. Le jour se levait, la visibilité étant meilleure, je me remis à courir. J'avais perdu beaucoup de temps au cours de cette pénible nuit et les heures étaient désormais comptées.

DERNIERE RECOMPENSE

Me forçant à avaler quelques barres énergétiques qui m'aidèrent à franchir les dernières bosses, c'est l'oeil rivé à ma montre que j'entamais la descente sur Saint Denis. La lumière rougeoyante et rasante du soleil levant sur les reliefs du cirque de Mafate fut ma dernière récompense avant le franchissement de la ligne d'arrivée. 29h et 42' après le départ. Le temps de prendre un repas chaud et une douche, Pascal arrivait 50' après moi dans une assez bonne forme.

1540 autres raideurs franchirent, cette année, la ligne d'arrivée dans la limite des 60 h. Le fait de perdre une centaine de places au classement générale, malgré un gain d'une heure et cinquante minutes, par rapport à mon classement 98, démontre indubitablement que ce raid, désormais international, attire des coureurs de plus en plus affûtés. Pourquoi pas vous?